
Après cinq ans de fouilles menées sur l’île de Pâques, des scientifiques avancent une nouvelle théorie pour expliquer la présence des Moaï. Selon eux, la construction des célèbres statues géantes aurait permis de favoriser la fertilité des sols et l’agriculture.
Dressés là, immobiles, depuis des centaines d’années, les Moaï sont devenus un symbole de Rapa Nui, plus connu sous le nom d’île de Pâques. Mais pourquoi et comment ces énigmatiques monolithes sculptés ont-ils été érigés ? Si les spécialistes s’accordent à dire que les statues témoignent d’une certaine ingéniosité humaine, le mystère est loin d’être résolu.
Plusieurs théories ont été avancées pour justifier la construction des quelque 1.000 Moaï par les Rapanuis. L’une d’elles, publiée début 2019 dans la revue PLoS One, suggère que l’emplacement des colosses auraient servi à indiquer les précieuses sources d’eau de l’île. Aujourd’hui, c’est pourtant une toute autre hypothèse que des chercheurs avancent dans la revue Journal of Archaeological Science.
Selon leur étude, l’exploitation de la roche et la construction des géants visaient en réalité à favoriser la fertilité des sols, l’agriculture, et donc la production de nourriture sur ces terres isolées à quelque 3.500 kilomètres des côtes du Chili.
Le sol le plus fertile de l’île
Cette conclusion est le fruit de cinq années de fouilles menées dans la carrière du volcan Rano Raraku. Ce site est considéré comme l’origine de 95% des Moaï et certains s’y trouvent encore. En excavant l’endroit, les scientifiques ont ainsi mis au jour deux statues géantes, l’une sur un piédestal et l’autre dans un trou profond, ensevelies sous le sol et les gravats.
Les analyses menées ont permis d’estimer que les colosses auraient été érigés entre 1510 et 1645 tandis que les activités dans cette partie de la carrière auraient démarré autour de 1455. Plus important, les chercheurs ont constaté que les sculptures se trouvaient dans une position suggérant que leur destinée était de rester à cet endroit et non d’être transportées, comme d’autres, vers le reste de l’île.
Dans quel but ? Des analyses du sol environnant ont apporté une piste inattendue. Les résultats ont révélé la présence passée de cultures de bananes, de taro et de patates douces. Ils ont également indiqué que le sol à ce même endroit était particulièrement riche en divers éléments. « Quand nous avons reçu les résultats des analyses, j’ai dû y regarder à deux fois« , a expliqué Sarah Sherwood, co-auteure de l’étude.

« Il y avait des niveaux très élevées d’éléments que je n’aurais jamais pensé trouver ici, tels que le calcium et le phosphore. La chimie du sol a montré des niveaux élevés d’éléments clés dans la croissance de plantes et essentiels pour obtenir des productions importantes« , a poursuivi la géoarchéologue dans un communiqué.
Une carrière et surface agricole productive
Selon l’équipe, les sols de Rano Raraku seraient probablement les plus riches de l’île et certainement depuis longtemps. La carrière n’aurait donc pas simplement servi à extraire de la roche et sculpter les Moaï mais également à faire pousser des cultures essentielles pour la survie des habitants. Deux activités qui seraient étroitement liées, affirme l’étude.
Si le sol est devenu aussi riche, ce serait en effet grâce au processus d’extraction de la roche locale, du tuf volcanique. « Dans la carrière, le flux constant de petits fragments de roche générés par le processus d’exploitation a permis un système de retour parfait d’eau, d’engrais naturels et de nutriments« , a précisé Sarah Sherwood.
En plus de cette activité, le peuple de Rapa Nui aurait eu la bonne intuition de planter diverses cultures au même endroit, ce qui aurait permis d’encourager encore davantage la fertilité des sols. Une fois achevés et installés sur place, les Moaï quant à eux, auraient servi à maintenir la nature sacrée de la carrière elle-même.
« Les Moaï étaient au centre de l’idée de fertilité et, dans la croyance rapanui, leur présence ici stimulait la production agricole alimentaire« , a affirmé Jo Anne Van Tilburg, directrice du Easter Island Statue Project qui travaille depuis plus de trente ans sur l’île chilienne. « Cette étude bouscule complètement l’idée que toutes les statues dressées de Rano Rarku attendaient juste d’être transportées hors de la carrière« .
Ces travaux constituent, selon leurs auteurs, la première preuve scientifique que la carrière représentait un paysage complexe et qu’il existait des liens entre la fertilité des sols, l’agriculture, l’exploitation de la carrière et la nature sacrée des Moaï. Néanmoins, l’énigme des statues géantes comporte encore bien des zones d’ombre.
Par exemple, trois des statues géantes comportent, au niveau de leur dos, des dessins gravés qui n’existent sur aucune des 1.000 autres répertoriées à travers l’île et dont la signification reste floue. Jo Anne Van Tilburg et ses collègues ont entamé une nouvelle étude pour analyser les gravures et tenter de percer leur secret.
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